LA question à 1000 euros: " mais pourquoi dit-on que le savon est agressif pour la peau? Dis?"
C'est marrant, mais lorsque je rencontre des personnes qui semblent prêter un intérêt à ma passion savonneuse, la conversation s'oriente forcément -à un moment ou à un autre- vers les bienfaits effectifs d'un savon élaboré par la méthode de saponification à froid.
"Est-ce que c'est réellement prouvé?"
"En quoi est-ce vraiment plus sain?"
"Pourquoi nous dit-on alors que le savon, c'est mauvais pour la peau?"
etc.
Et je les comprends, finalement... On nous bassine tellement à longueur de journée sur l'"agressivité" des savons, sur la nécessité d'utiliser des "savons sans savon" (!) pour préserver sa peau, sur les méfaits de certains pains moussants trop abrasifs... Tout est fait pour nous orienter systématiquement vers de bons gels douches bien pétrochimiques mais tellement plus agréable à utiliser (dixit), qui "laissent votre peau douce et hydratée comme une pêche 100% arôme artificiel".
Sans compter tous les sous que ça rapporte aux industriels, qui s'embêtent moins pour gagner plus.
(Forcément).
Alors voilà, une fois pour toutes, je vais essayer de développer ici en quoi le savon naît de la méthode dite "à froid" est, non seulement totalement sans danger pour notre peau de princesse délicate, mais en plus un vrai geste de soin cosmétique douceur.
Si. Sans rire.
Donc.
Je pense que je n'ai plus besoin de te rappeler que le savon est le produit de la réaction entre une huile végétale, ou un corps gras, et de la soude... Toutefois, si c'est ta minute blonde et que tu as un trou de mémoire, je te renvoie vers cet article là (clic!), qui t'explique tout de façon absolument remarquable. Au bas mot. (Pas besoin de te dire qui l'a écrit, hein).
Historiquement, on pouvait sans aucun à priori dire que le savon était un produit lavant non agressif. En effet, tel que le décrit la réaction chimique associée :
Huile + soude = savon (A) + glycérine (B)
... on peut voir que le savon est naturellement, et SYSTEMATIQUEMENT, accompagné d'un principe "doux" pour la peau, qui compense tout effet desséchant potentiel : la glycérine.
La glycérine est incorporée de façon intrinsèque, et totalement intégrée à la masse compacte de "savon" que l'on obtient lorsque l'on synthétise "à froid" un savon-maison.
Je mets ici "savon" entre gillemets, car c'est bien de là que vient la confusion!
On nomme en effet SAVON aussi bien la masse compacte de produit obtenu (le savon intégral composé en partie de glycérine), que l'élément moléculaire "savon" (A dans l'équation).
Lorsque l'on dit que le savon est agressif, on parle alors du produit A, et non pas du savon authentique que nous obtenons par saponification à froid.
CQFD.
Alors, me direz-vous, dans ces cas là, pourquoi les industriels se sont-ils lancés dans la fabrication de gels douches et autres pains dermatologiques "sans savon", issus de la pétrochimie, plutôt que dans la bonne vielle méthode de nos grand-mères, tellement plus naturelle et saine?
Pour des raisons pratiques, mon cher Watson.
La vitesse de prise du savon, lors de sa synthétisation par saponification à froid, est relativement rapide, et est incompatible avec la réalisation de grandes batches. Les quantités traitées ne peuvent être trop importantes, d'où un problème évident de coût et de rentabilité.
Pour ralentir le processus, on ajoute de l'eau lors de la saponifictaion industrielle: la vitesse de réaction est alors plus lente, mais on va alors évacuer la glycérine... et obtenir des savons décapants et irritants.
D'où cette vilaine réputation.
Tandis que la glycérine sera récupérée et revendue, le savon (A) va être vendu sous forme de savon de Marseille par exemple, et sera réservé au nettoyage du linge ou des mains.
Et voilà comment naît une mauvaise image absolument pas méritée... Pauv' savon.
Du coup, tout le monde est d'accord pour dire que le "savon" est irritant. Cependant, plutôt que d'essayer de trouver une solution pôur développer à grande échelle la méthode à l'ancienne qui préserve la glycérine, on fait appel à la chimie.
Plus simple, moins cher, plus rentable. Moins sain.
Mais on s'en fiche, puisque ça rapporte plus.
Le "savon sans savon", tout comme les gels douche, sont donc de purs produits de la pétrochimie, détergents anti-naturels, qui distillent quotidiennement, insidieusement, des quantités infinitésimales de produits que le corps ne sait pas éliminer. Qui sait ce que ça donnera, à long terme?
Aujourd'hui, seuls les artisants savonniers qui perpétuent la tradition de la saponification à froid permettent d'obtenir LE vrai savon doux, qui conserve au savon (A) sa glycérine naturelle, issue des huiles végétales utilisées pour la réaction.
En ajoutant par ailleurs, à la fin de la réaction, une quantité d'huile végétale vierge en surdosage (dite "surgras"), ils améliorent encore la qualité du savon, et en font un soin totalement doux, et absolument inoffensif.
Les savons que l'on trouve en grandes surfaces, quant à eux, ne sont que des pâtes de savon déglycérinées, auxquelles on a ajouté divers agents de texture, parfums, couleurs... Mais qui n'ont rien à voir avec le savon traditionnel obtenu par saponification à froid. Ils n'ont plus rien de naturel.
Voilà en gros pourquoi nous, amateurs et savonniers artisans, nous désirons perpétuer la tradition. Et si en plus ça nous permet de passer un bon moment ludique, à coup de marbrages et autres synergies parfumées "home-made", pourquoi s'en passer?
Hein? Pourquoi?
Ah, tu sais plus quoi dire, là!
Et toc! ;-)